Actions du luxe octobre 2025 : LVMH et Hermès face au ralentissement chinois
Le secteur du luxe européen traverse une phase de turbulences en octobre 2025, avec des valorisations qui ont considérablement reculé depuis leurs sommets de 2023. LVMH, le géant français coté autour de 685 euros, accuse une baisse de près de 15% depuis le début de l'année, tandis qu'Hermès résiste mieux avec un repli limité à 8% à 2 150 euros l'action.
Le problème chinois : au cœur des préoccupations
La grande inquiétude qui pèse sur le secteur, c'est la faiblesse persistante de la demande en Chine continentale. Ce marché, qui représentait environ 30% des ventes mondiales de produits de luxe avant la pandémie, peine à retrouver sa dynamique d'antan. Les derniers chiffres publiés par les maisons montrent un recul de 8 à 12% des ventes dans la région Asie-Pacifique au troisième trimestre.
Cette atonie s'explique par plusieurs facteurs structurels. D'abord, la crise immobilière chinoise a profondément érodé le patrimoine de la classe moyenne supérieure, celle-là même qui alimentait la croissance du luxe. Ensuite, le ralentissement économique général et la montée du chômage chez les jeunes diplômés ont changé les comportements de consommation. Enfin, le gouvernement chinois a intensifié sa campagne contre l'ostentation et le luxe ostentatoire, créant un climat peu propice aux achats de produits haut de gamme.
LVMH : la diversification comme bouclier
Face à ces vents contraires, LVMH mise sur sa diversification exceptionnelle. Le groupe de Bernard Arnault ne se limite pas aux sacs et aux vêtements : il possède des champagnes (Moët & Chandon, Dom Pérignon), des spiritueux, des parfums, des bijouteries (Tiffany, Bulgari), et même des hôtels de luxe.
Cette stratégie porte ses fruits. Si la division Mode & Maroquinerie (Louis Vuitton, Dior, Fendi) souffre avec une croissance organique proche de zéro, les vins et spiritueux affichent encore une progression de 4 à 5% portée par la demande américaine. Les parfums et cosmétiques, moins sensibles aux cycles économiques, maintiennent une dynamique positive.
Lors de la publication des résultats du troisième trimestre début octobre, LVMH a tout de même révisé à la baisse ses prévisions pour l'ensemble de l'année, tablant désormais sur une croissance du chiffre d'affaires de seulement 3 à 4%, contre 7 à 8% anticipés en début d'année. Cette annonce a provoqué une correction de 6% du titre en séance.
Hermès : la stratégie de la rareté
À l'inverse de LVMH, Hermès incarne une approche radicalement différente : celle de la rareté assumée et de l'ultra-haut de gamme. Avec son emblématique sac Birkin, dont la liste d'attente peut atteindre plusieurs années, la maison française cultive l'exclusivité comme un art.
Cette stratégie se révèle payante dans le contexte actuel. Hermès cible une clientèle encore plus fortunée, moins sensible aux fluctuations économiques. Les ultra-riches, qui n'ont pas été affectés par la crise immobilière chinoise, continuent d'acheter. Le groupe a ainsi publié une croissance organique de 11% au troisième trimestre, un chiffre remarquable dans le contexte actuel.
La limitation volontaire de la production, loin d'être un handicap, devient un atout. Hermès refuse d'industrialiser sa fabrication, maintenant une image d'artisanat d'exception qui justifie des prix toujours plus élevés. Cette approche lui permet de préserver ses marges, qui restent parmi les plus élevées du secteur, autour de 42% de marge opérationnelle.
Les autres acteurs : entre espoirs et déceptions
Du côté de Kering (Gucci, Saint Laurent, Bottega Veneta), la situation est plus préoccupante. L'action, qui se négocie autour de 245 euros, a perdu plus de 40% sur un an. Gucci, la marque phare du groupe, peine à retrouver son attractivité auprès des jeunes consommateurs chinois qui se tournent vers des marques perçues comme plus modernes.
Richemont (Cartier, Van Cleef & Arpels), spécialisé dans la joaillerie et l'horlogerie, navigue en eaux plus calmes. La bijouterie, moins dépendante des modes passagères que la maroquinerie, conserve une demande plus stable. Le groupe suisse a annoncé une croissance de 8% de ses ventes au premier semestre, tirée notamment par le Moyen-Orient où les ventes ont bondi de 23%.
L'émergence de nouveaux marchés
Face à la faiblesse chinoise, les maisons de luxe se tournent vers d'autres relais de croissance. Les États-Unis, qui représentent désormais le premier marché mondial devant la Chine, affichent une demande robuste malgré l'inflation. Les touristes américains en Europe contribuent largement aux ventes, profitant d'un dollar fort pour réaliser des achats "avantageux".
Le Moyen-Orient émerge également comme un marché clé. Les pays du Golfe, portés par des prix du pétrole élevés et des stratégies de diversification économique ambitieuses, attirent une clientèle fortunée internationale. Dubaï et Riyad deviennent des destinations shopping de premier plan.
L'Inde, avec sa classe moyenne en pleine expansion, suscite beaucoup d'espoirs pour le long terme, même si le marché reste encore modeste aujourd'hui. Les grandes maisons ouvrent progressivement des boutiques dans les grandes métropoles indiennes, anticipant une croissance future.
Les valorisations : opportunité ou piège de valeur ?
D'un point de vue boursier, la question qui se pose aux investisseurs est celle de l'opportunité. LVMH se négocie actuellement à environ 18 fois ses bénéfices prévisionnels 2025, contre une moyenne historique de 22-25 fois. Cette décote reflète-t-elle un pessimisme excessif ou une nouvelle normalité ?
Pour les analystes bullish, le luxe reste un secteur structurellement porteur à long terme, bénéficiant de l'enrichissement mondial et de l'aspiration universelle aux belles choses. La faiblesse actuelle de la Chine n'est que temporaire, et un plan de relance massif de Pékin pourrait rapidement changer la donne.
Les plus sceptiques rétorquent que le secteur fait face à des défis structurels : saturation des marchés matures, montée de la concurrence des marques "accessible luxury" (Coach, Michael Kors), et changement générationnel avec des millennials et Gen Z moins attachés aux logos traditionnels.
Stratégie d'investissement : comment se positionner ?
Pour un investisseur long terme, la période actuelle peut représenter un point d'entrée intéressant, à condition d'être sélectif. Hermès apparaît comme la valeur défensive par excellence, capable de traverser les cycles grâce à son modèle unique, mais sa valorisation reste premium (35 fois les bénéfices).
LVMH offre un meilleur point d'entrée en termes de valorisation, avec un rendement du dividende d'environ 2% et une diversification qui limite les risques. Pour les profils plus agressifs, Kering pourrait représenter un pari sur un redressement de Gucci sous la nouvelle direction créative, mais avec un risque significatif.
Les investisseurs doivent surveiller plusieurs indicateurs clés : les annonces de stimulus en Chine, l'évolution du dollar (qui impacte les achats des touristes), et les chiffres de fréquentation des boutiques dans les grandes capitales. Une reprise tangible en Chine serait le catalyseur nécessaire pour un rebond significatif du secteur.
Conclusion : un secteur à la croisée des chemins
Le luxe traverse incontestablement une phase difficile, mais son histoire nous enseigne que ces moments de faiblesse ont souvent été suivis de rebonds spectaculaires. Les fondamentaux long terme restent intacts : l'aspiration au luxe est universelle et intemporelle.
Pour les traders, la prudence reste de mise à court terme, avec des points d'entrée à attendre sur les supports techniques. Pour les investisseurs long terme, une approche graduelle par moyennisation peut se justifier sur les leaders du secteur, en privilégiant la qualité et la solidité financière.
FAQ
Pourquoi Hermès résiste-t-il mieux que LVMH ?
Hermès cible l'ultra-haut de gamme moins sensible aux cycles, avec une production limitée qui maintient la rareté et les marges.
La Chine peut-elle redevenir un moteur de croissance ?
Oui, mais cela nécessitera un plan de relance massif et un changement de discours politique sur la consommation de luxe.
Le luxe est-il toujours un bon investissement long terme ?
Les fondamentaux restent solides, mais les valorisations doivent être attractives et la sélectivité est clé.